Estelle Lagarde

 

Les œuvres photographiques d’Estelle Lagarde sont hantées. Hantées par des personnages sur le fil, entre hier et aujourd’hui, noirceur et lumière, vie et mort… De la série « Dame des Songes » à « Contes Sauvages », de mystérieux spectres nous entraînent avec grâce dans une déambulation onirique, entre les murs décatis de grandes bâtisses abandonnées. De ces lieux délabrés qui constituent leur cadre, on devine le lustre d’antan et les souvenirs glorieux. Ces présences fantomatiques en semblent les dépositaires, par-delà le vide et le temps qui passe, et laissent leur fragile empreinte dans les décombres du présent. Elégantes figures féminines en proie à la solitude ou bestiaire d’individus masqués aux postures théâtrales, ces apparitions sont toutes traversées d’une lumière irréelle, les rendant parfois translucides et diaphanes, comme saisies en cours d’évanouissement. 

Un être évanescent et chimérique, né de la même technique de prise de vue, parcourt également la série 2440 de l’artiste. Ce personnage, c’est Estelle Lagarde elle-même, ou plutôt son double costumé de blanc, qu’elle met en scène dans des espaces nocturnes désertés. Soumise au seul regard de l’objectif, les simulacres n’ont plus cours. L’artiste quitte ainsi la perruque que lui impose sa récente chimiothérapie et apparaît dans toute sa vulnérabilité, dans des errances salvatrices ou éperdues, des voyages dans un monde secret, au cœur des émotions et des peurs d’une femme en lutte contre la maladie.

Les tourments de son cancer sont abordés plus frontalement, sans fard et sans détour, dans son dernier travail. « La traversée imprévue-adénocarcinome » rassemble des dizaines d’autoportraits en noir et blanc qui dévoilent avec force les affres de la confrontation - et de la réconciliation - avec ce corps qui l’a trahi. Buste nu et féminité cicatricielle, repli et souffrance face au traitement, ironiques facéties et nécessaires moments de distanciation, tous ces clichés marquent autant d’étapes poignantes du parcours d’Estelle Lagarde, transcendé et sublimé par l’art, son art… car si bouleversante que soit cette catharsis, elle n’en révèle que mieux encore le talent indéniable de la photographe.

 

 

 

 

Biographie.

Estelle Lagarde est née en 1973 à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine). Elle vit et travaille à Paris. Diplômée d’architecture en 2000, à Paris, elle pratique la photographie argentique en autodidacte depuis 1996. 

Elle a remporté la Bourse d’aide à la création de la Fondation E-C-Art Pommaret en 2007 et 2009 et réalise diverses expositions personnelles et collectives depuis plusieurs années. Son travail a été présenté dans plusieurs salons, tels que Affordable Art Fair à Bruxelles et Chic Art Fair à Paris avec Mathilde Hatzenberger Gallery ou Art Elysée à Paris avec la galerie Lefor Openo. 

Avec son ouvrage paru à l’automne 2010, « La Traversée Imprévue - adénocarcinome », Estelle Lagarde est devenue une ambassadrice de la lutte contre le cancer du sein. Son travail avant-gardiste est ainsi régulièrement présenté en support des campagnes de prévention et de dépistage. Il attire l’attention sur un sujet encore tabou qui engendre peur, silence et attentisme et sensibilise les femmes à la nécessité de contrôles réguliers.